Contrexéville
Coexistence et Spécialisation dans le Thermalisme

Le développement parallèle : Sources curatives et clientèle aisée

Les histoires des stations thermales renommées se ressemblent souvent : elles débutent avec un petit village oublié qui n'exploite pas les richesses de ses sources naturelles, jusqu'à ce que quelqu'un en reconnaisse les bienfaits, en fasse la promotion, et que tout change. Les nouveaux visiteurs arrivant doivent être accueillis et logés, ce qui conduit à l'édification de magnifiques hôtels là où se trouvaient auparavant de modestes cabanes, à l'ouverture de cafés et de boutiques, et à l'émergence d'une véritable ville.

À Contrexéville, la réputation de l'eau bienfaisante ne cessa de croître à partir du milieu du XVIIIe siècle, après qu'une jeune fille aurait été guérie de calculs rénaux. Cet événement incita le médecin personnel de Sa Majesté Polonaise à analyser l'eau et à rédiger un traité à son sujet en 1760. Vers 1850, une centaine de curistes se rassemblaient autour de la Source du Pavillon, alors protégée par une petite construction octogonale en bois datant de 1820. Une galerie fermée en forme de fer à cheval reliait la source au bâtiment des bains et à l'hôtel (Hôtel de la Providence). Louis Bouloumié, futur fondateur des Thermes de Vittel, vint lui aussi à Contrexéville en 1850 pour tenter de soigner ses maux, malheureusement sans grand succès.

Le 8 décembre 1864, une société d'eaux minérales fut fondée à Contrexéville, laquelle fit l'acquisition du domaine thermal. Dès lors, l'établissement connut un essor constant. Le raccordement de la station thermale au réseau ferroviaire en 1881 entraîna un afflux supplémentaire de curistes. La fréquentation passa d'environ 300 curistes par an au tournant du siècle à 4 800 jusqu'à l'éclatement de la Première Guerre mondiale. Durant cette période, diverses personnalités se rencontrèrent à Contrexéville, parmi lesquelles le Shah de Perse, la Reine Isabelle II d'Espagne et la Grande-Duchesse Maria Pavlovna de Russie.

L'arrivée du « Train des Eaux » à Vittel / Contrexéville

Le pavillon métallique avec la Source du Pavillon

Niche Médicale : Contrexéville, Spécialiste des Affections Rénales

Vers 1900, les stations thermales voisines de Contrexéville et Vittel offraient un exemple fascinant de mélange entre compétition et coexistence complémentaire. Toutes deux devaient leur prospérité à leurs sources minérales curatives, qui attiraient une clientèle aisée, et bénéficiaient de l'essor du thermalisme durant la Belle Époque.

Au lieu d'une concurrence directe, elles ont misé sur la spécialisation médicale. Contrexéville s'est établie comme experte des affections rénales, des voies urinaires et de la réduction de poids. Vittel, quant à elle, s'est profilée avec la Grande Source comme station thermale pour la vitalité générale, le renforcement et le repos, souvent en association avec des activités sportives comme le golf et l'équitation. Leur « identité médicale » respective a été la clé de leur coexistence réussie. Cette spécialisation stratégique dans un marché compétitif est remarquable. Elle montre que les premiers acteurs de cette industrie émergente ont compris la valeur de la segmentation du marché et du positionnement de niche pour assurer une coexistence réussie plutôt qu'une concurrence destructrice. Cela témoigne d'une approche économique sophistiquée, démontrant une clairvoyance dans le développement du marché.

Le Casino de François Clasquin vers 1900 (Google Maps)

La salle de théâtre du Casino

Évolution Architecturale : Du Pavillon en Bois à la Rotonde Art Nouveau

Initialement, la Source du Pavillon était protégée par une petite construction octogonale en bois datant de 1820. Celle-ci était reliée, par une galerie fermée en forme de fer à cheval, à un bâtiment des bains et à l'Hôtel de la Providence. En 1885, un nouveau pavillon fut construit pour la source par l'architecte Schertzer, utilisant le fer forgé et le verre (architecture métallique). C'est à la même période que commença également l'embouteillage de l'eau de la source.

Vers 1910, le pavillon de verre et de fer fut remplacé par une nouvelle construction, la Rotonde, en béton armé et de style Art nouveau tardif, œuvre de l'architecte Charles Mewès. Les mosaïques richement décorées, les lignes douces et l'ornementation organique témoignent du style Art nouveau, tandis que d'autres éléments, tels que des formes symétriques et structurées, annoncent déjà le futur style Art Déco. Ce bâtiment a été en grande partie conservé dans sa forme originale jusqu'à aujourd'hui.

La première usine d'embouteillage de Contrexéville entra en service en 1908. Les ouvrières et ouvriers de cette usine d'eaux minérales s'acquittaient de leurs tâches avec concentration. Ils opéraient déjà des machines qui remplissaient automatiquement les bouteilles en verre. Cependant, pour l'emballage, les machines étaient encore introuvables. Chaque activité de ce processus subséquent continuait d'être exécutée méticuleusement à la main. Les femmes prenaient en charge l'emballage artistique des bouteilles en verre dans du papier protecteur, les préparant ainsi pour l'expédition. Parallèlement, les hommes préparaient de robustes caisses en bois, servant de contenants sûrs pour ces précieuses marchandises. Les images suivantes illustrent ainsi de manière impressionnante la transition vers la production de masse, où la machinerie avancée et le travail manuel traditionnel allaient encore de pair.

Le Pavillon de la Source du Pavillon de 1885 (architecture métallique)

La Source du Pavillon vers 1907

La nouvelle galerie vers 1907

L'embouteillage de la Source du Pavillon vers 1907

L'embouteillage des bouteilles au premier étage vers 1908

La Rotonde, le nouveau pavillon de style Art Nouveau après 1910 (Google Maps)

L'emballage des bouteilles au rez-de-chaussée vers 1908

La Grande Rue avec la nouvelle usine d'embouteillage vers 1908

La nouvelle usine d'embouteillage vers 1908

Le Parc après 1910

La Source du Pavillon après 1910

La Rotonde, le nouveau pavillon en 2025

La fin d'une ère : Le déclin après la Première Guerre mondiale

À la fin de la Belle Époque, la ville avait achevé sa transformation. Divers hôtels et églises avaient été construits, le parc agrandi, et le casino inauguré. De plus, une usine d'embouteillage avait été érigée pour l'embouteillage, l'emballage et l'expédition industrielle de l'eau minérale.

L'entrée de l'établissement thermal après 1910

L'entrée de l'établissement thermal après 1910

Quand la guerre éclate en 1914, tous les curistes et les jeunes habitants quittent la localité. Dans les années qui suivent, Contrexéville ne parvient plus à renouer avec son succès initial. La fin abrupte de la prospérité de Contrexéville avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale illustre la vulnérabilité inhérente d'une économie basée sur le tourisme de luxe. De telles économies sont extrêmement sensibles aux chocs externes, comme les conflits majeurs. Cela contraste fortement avec l'optimisme, les Lumières et la paix régionale souvent associés à la Belle Époque. Le fait que la Belle Époque ait été « définitivement de l'histoire ancienne » avec la Première Guerre mondiale souligne que les périodes de stabilité apparente peuvent être brusquement interrompues par des tensions géopolitiques sous-jacentes, toujours présentes malgré la « belle » façade. Cela démontre la fragilité des économies de luxe spécialisées face à des forces historiques plus vastes.